Le champ de la toile d'or

Le 7 juin 1520, le décor est planté pour un sommet capital entre les deux grandes nations rivales que sont la France et l'Angleterre.
Cette rencontre, connue sous le nom de Champ du Drap d'Or, réunit les rois Henri VIII d'Angleterre et François Ier de France lors d'un splendide tournoi en grande pompe, destiné à mettre de côté leurs différends dans la recherche d'une paix durable.
Roi François Ier de France
Pendant dix-huit jours de fête, l'événement se déroulait dans une vallée très proche de Calais, alors sous le contrôle des Anglais, et donnait lieu à un ensemble d'activités, de festivités, de cérémonies religieuses, de tournois sportifs et de festins sous d'opulentes tentes et des chapiteaux de banquet.
Les dépenses engagées pour cet événement ont été telles que les tentes et les tenues des participants ont été ornées de quantités tellement importantes de tissus d'or, une combinaison d'or et de soie, que la réunion a été à jamais désignée comme telle.
L'événement a exigé beaucoup de travail et d'efforts de la part des personnes chargées d'organiser les magnifiques décors et la restauration somptueuse pour les suites royales, mais il est resté symboliquement crucial.
Ce spectacle grandiose avait un message très important à transmettre : le lien spécial qui unit les deux nations, autrefois antagonistes et concurrentes.
C'est l'influent cardinal Thomas Wolsey qui est à l'origine de cet événement. Il avait estimé que cette célébration était une étape nécessaire pour cultiver de bonnes relations entre les nations, l'objectif ultime étant d'éviter la guerre.
Henri VIII, vers 1526
L'Angleterre n'en est encore qu'à ses débuts en tant que superpuissance en Europe, l'Empire des Habsbourg bien établi sous Charles Quint et la France dominant la scène internationale. Cela dit, l'Angleterre émerge en tant que force dominante potentielle dans la région et requiert donc l'attention d'autres nations.
La diplomatie internationale a été au premier plan de nombreuses décisions prises au cours des années qui ont précédé l'événement du "Champ du drap d'or".
Sur le continent européen, les rivalités sont vives et délicates, et avec de vastes régions d'Europe centrale sous le contrôle du Saint-Empire romain germanique, les tensions pour le contrôle et l'expansion semblent devoir dominer les années à venir.
Individuellement, les deux rois, Henri VIII et François Ier, sont relativement nouveaux sur la scène, désireux de faire impression et de dominer les débats. Jeunes, compétitifs et ambitieux, ils sont des rivaux évidents, à tel point qu'en 1513, Henri VIII a envahi la France et s'est battu contre François et son armée.
Malheureusement pour Henri VIII, ses grands projets sont un peu trop ambitieux et en 1515, François Ier devient roi de France et affirme très vite ses prouesses militaires à la bataille de Marignan. Le traité de paix qui suit, cosigné par l'empereur Maximilien Ier, est un revers pour Henri VIII qui voit dans le nouveau roi de France un obstacle à son ambition.
À ce moment de l'histoire européenne, les Anglais revendiquent le trône de France. Henri estime qu'il a le droit de revendiquer le trône de France et, si nécessaire, de s'en emparer par la force.
Dans ce contexte tendu, des personnalités importantes et influentes de la philosophie et du conseil, telles que Thomas More, Guillaume Budé et Érasme, se sont efforcées d'éviter les affrontements militaires, cherchant au contraire à faire valoir que la poursuite de la paix conférerait à la famille royale le respect et la réputation qu'elle recherchait si désespérément.
En 1518, l'occasion se présente sous la forme du traité de paix universelle/traité de Londres, où les représentants européens cosignent un pacte cimentant l'engagement de chaque nation en faveur de la paix. Grâce à l'habile orchestration de Thomas Wolsey, l'Angleterre d'Henri est placée à la tête des négociations de paix.
Voir également: La marche de JarrowDe plus, la signature du pacte n'est qu'un début : une grande démonstration de paix entre Henri et François est nécessaire pour confirmer leur alliance et se montrer comme des rois de la Renaissance ayant choisi la paix plutôt que la guerre. Un tournoi de dix-huit jours est prévu.
En 1519, un an seulement après les accords de paix, François et Henri se sont tous deux portés candidats à la succession de l'empereur Maximilien Ier. Malheureusement pour eux, aucun des deux n'a réussi et c'est le roi d'Espagne, Charles Quint, qui a été choisi. La concurrence, la réputation et l'ambition sont toujours les maîtres mots de l'histoire de l'Union européenne.Le jeu, comme l'a montré le Champ de l'Étoffe d'Or l'année suivante, n'a pas été facile à jouer.
Prévue pour 1520, la décision fut prise de fixer la rencontre à la limite du territoire anglais, près de Calais, dans une vallée aménagée afin de fournir un lieu idéal pour les célébrations.
L'ensemble de l'événement a été minutieusement planifié, en grande partie par le cardinal Thomas Wolsey depuis son palais de Hampton Court. Des plans ont été élaborés pour la construction de zones de tournois, de banquets et d'un grand nombre de tentes destinées à abriter les deux cours royales.
La construction d'un "palais portatif" pour Henri VIII et sa suite était d'une importance capitale et a nécessité près de 6 000 hommes pour ériger une structure aussi impressionnante. Fabriqué en bois et recouvert d'une toile peinte pour imiter la vraie pierre, on pouvait facilement se tromper de loin en pensant qu'il s'agissait en fait d'un palais. Il y avait même des fontaines placées à l'entrée, qui fournissaient des boissonspour les invités du roi.
Conçu avec toute l'opulence et le style royal que l'on peut attendre d'une structure permanente, il comportait même des vitraux. Lorsqu'ils l'ont vu, les Français l'ont baptisé "Crystal Palace".
Tandis que les tentes étaient ornées de décorations raffinées, les vêtements des invités, dont le nombre est estimé à environ 10 000 personnes, étaient tout aussi opulents, avec des matériaux délicats et décorés d'or et de bijoux exquis.
Compte tenu de la grandeur des lieux, les festivités elles-mêmes n'ont pas déçu : de grands tournois ont eu lieu, y compris des combats à cheval et des joutes, auxquels les deux rois étaient très désireux de participer. Pour éviter tout désir de compétition, ils ont choisi d'être dans le même camp, même si François Ier aurait été blessé lors de certaines des activités les plus exaltantes.
Avec dix-huit jours de divertissements, de repas et de réjouissances, le temps n'a pas toujours été propice aux activités de plein air, mais Henry et Francis n'ont pas laissé cela les décourager.
Tapisserie représentant les rois Henri VIII et François Ier au champ de Cloth of Gold, vers 1520
Les somptueux banquets sont accompagnés de démonstrations de tir à l'arc et de combats de lutte entre Bretons et Cornouaillais. De plus, les deux jeunes et turbulents rois sont naturellement attirés par la compétition et, dans une ambiance survoltée, Henri VIII choisit de défier le jeune François Ier dans un combat de lutte. Perdant le match, Henri défie alors François dans un concours de tir à l'arc.
Tandis que les deux rois tentaient de s'impressionner l'un l'autre par leur force et leur habileté, les femmes de la suite du roi étaient invitées à de grands banquets, à des danses et à des représentations théâtrales.
Le 24 juin, après de nombreux jours et nuits de fête, le sommet est arrivé à son terme et le cardinal Wolsey a rassemblé une grande foule pour dire la messe. À la fin de l'office, un grand dragon impressionnant a été envoyé dans les airs. Ce grand cerf-volant combinait l'emblème de la salamandre de François Ier et le dragon gallois des Tudor, et il a été lancé pour signifier la fin de la réunion. TousIl ne restait plus qu'un banquet et l'échange de cadeaux, dont un coffret à bijoux en émail offert par François Ier au cardinal Wolsey.
L'événement somptueux semble avoir été un grand succès. Cependant, combien de temps les bonnes relations entre les deux pays dureront-elles ? Seul l'avenir nous le dira...
En 1521, un an seulement après ce grand événement, l'Europe semble à nouveau en proie à la bataille : François Ier et l'empereur Charles sont à couteaux tirés et l'Angleterre est à nouveau impliquée. L'alliance semble sur le point de s'effondrer et, une fois de plus, la paix en Europe semble être un rêve lointain et inatteignable.
Jessica Brain est une rédactrice indépendante spécialisée dans l'histoire, basée dans le Kent et amoureuse de tout ce qui est historique.